Soumis par innoprox le May 02

4.1 Vers un nouveau paradigme

En tant qu’Organe exécutif de l’Union, la Commission joue un rôle central de moteur de l’intégration. Elle l’a assumé jusque-là en mettant en place les fondements de l’intégration : mettre en place le marché commun, bâtir le cadre de la surveillance multilatérale, renforcer l’harmonisation des politiques économiques ont été les batailles prioritaires des 30 premières années. Sur toutes ces batailles, la Commission a su mettre en place les conditions requises pour une insertion progressive des économies de l’UEMOA dans une dynamique d’intégration.

Le diagnostic stratégique a montré l’impératif d’accélérer cette dynamique, et de faire du marché commun un levier plus décisif de la transformation structurelle des économies des États membres. En effet, la définition des scénarii d’avenir a montré que l’avenir de l’UEMOA dépendra en forte partie de sa capacité à réussir sa transformation structurelle, en passant d’une économie informelle qui exporte essentiellement des matières premières, à une économie qui transforme ses matières premières et exporte des produits transformés, fortement créateurs de valeur et d’emplois formels.

Les pères fondateurs de l’UEMOA avaient pris en compte l’exigence d’arriver à cette étape dans la construction de l’Union. En effet, bâtir une économie régionale compétitive constitue le premier objectif du Traité de l’UEMOA. Pour réaliser la vision 2040 et accélérer la transformation structurelle des économies de l’UEMOA, cet objectif de la compétitivité s’impose désormais comme la première priorité et la boussole du nouveau Plan Stratégique 2025-2030 de la Commission de l’UEMOA.

Cette orientation prioritaire vers l’accélération de la transformation structurelle des économies des États membres exige un nouveau paradigme au sein de la Commission.  

Pendant 30 ans, elle a été un laboratoire de référence dans l’élaboration de lois et de politiques communautaires, contribuant ainsi à travers le partage de ses bonnes pratiques à la mise en place plus rapide que d’autres Communautés régionales, à commencer par la CEDEAO.  Désormais, elle doit aller plus loin, en devenant un laboratoire de référence non plus dans la conception, mais aussi dans la mise en œuvre efficace des politiques communautaires. L’identification de secteurs prioritaires, moteurs de la transformation structurelle de l’UEMOA, facilitera cette orientation renforcée vers cette mise en œuvre. 

Pendant 30 ans, le chantier de l’intégration a été porté par le secteur public, qu’il s’agisse des administrations nationales ou communautaires. Désormais, le secteur privé, pilier de la compétitivité des économies de l’Union, doit aussi devenir un acteur central du projet d’intégration. Là également, l’identification par la Commission des filières qui porteront la compétitivité de l’Union permettra de mieux cibler les champions actuels ou potentiels d’un secteur privé régional compétitif et d’initier un dialogue public-privé solide, porté dans chaque filière par une vision régionale commune.

Cette évolution des acteurs centraux de l’intégration appelle aussi à une évolution du rôle de la Commission. Pendant 30 ans, la Commission a porté et mis en œuvre elle-même les principaux chantiers de l’intégration. Désormais, en plus d’être un acteur direct sur les chantiers de base de l’intégration, elle doit pour le développement d’écosystèmes compétitifs et l’accélération de la transformation structurelle, jouer un rôle moins opérationnel et plus stratégique de chef d’orchestre, afin de bâtir une vision régionale partagée et d’assurer le maximum de synergies entre les interventions de toutes les parties prenantes. Là encore, les filières et écosystèmes prioritaires serviront de socle pour bâtir et animer ces alliances fortes entre toutes les parties prenantes (secteur public national et communautaire, secteur privé, société civile et populations bénéficiaires, partenaires au développement…) afin d’accélérer la transformation structurelle des économies de l’Union. L’élaboration commune de livres blancs, sous le pilotage de la Commission, jouera un rôle clé dans la construction de cette vision régionale partagée et d’alliances efficaces au service d’une UEMOA compétitive.

Ce nouveau paradigme exigera aussi des évolutions internes au sein de la Commission. Pendant 30 ans, la Commission a réussi à bâtir une organisation solide, avec une gouvernance, une organisation, des ressources humaines, des systèmes de gestion qui ont permis de donner à l’UEMOA des fondements solides. Évoluer vers un rôle plus marqué de « chef d’orchestre » de politiques communautaires, impliquant plus fortement le secteur privé et d’autres acteurs, nécessitera cependant une organisation plus agile. Au-delà de la gouvernance et des systèmes de gestion (nouvelle organisation, délégation accrue et effective, digitalisation), ce nouveau paradigme exigera un changement de la culture de la Commission, qui devra passer d’une culture dominante de moyens, à une culture de résultat et d’impact.