B. L’évaluation prospective de l’insertion de la norme dans l’ordonnancement juridique de l’UEMOA et des États membres de l’UEMOA
1) Généralités sur l’insertion de la norme dans l’ordonnancement juridique
- Une évaluation prospective de l’insertion, sans difficulté d’application, d’un projet de texte normatif dans l’ordonnancement juridique est toujours nécessaire. Cet aspect spécifique exige une analyse approfondie de l’impact probable de la norme en cours d’élaboration. Toutefois, sa réalisation intégrale est subordonnée au choix de l‘instrument normatif . Dès que le choix de l’instrument normatif est opéré, il faut élucider les aspects ci-après :
- l’insertion du texte normatif dans l’ordre juridique, notamment la probabilité de leur acceptabilité politique et la faisabilité de leur mise en œuvre ;
- le temps à disposition pour atteindre les objectifs ;
- l’impact du projet de texte normatif sur d’autres politiques publiques.
- Par ailleurs, la prise en considération à la fois de la dimension verticale et de la dimension horizontale de l’environnement normatif est indispensable. Il est prudent d’entreprendre une étude prospective de l’insertion de la norme en cours d’élaboration dans l’ordonnancement juridique communautaire.
- Cette vérification permet de s’assurer que la norme envisagée ne va pas être un facteur perturbateur de l’économie générale de l’ordonnancement juridique. En effet, au plan des principes, tout texte normatif doit s’insérer harmonieusement dans le système juridique.
- Chaque instrument normatif possède une dimension verticale, car il est toujours la déclinaison d’au moins une norme juridique supérieure en vigueur, à tout le moins le Traité de l’UEMOA, et éventuellement d’autres actes contraignants ayant force juridique possédant un rang supérieur. Aussi, il faut repérer ses fondements juridiques et examiner sa conformité aux textes de rang supérieur.
- L’instrument normatif possède également une dimension horizontale, car il est fréquent que l’instrument normatif en cours d’élaboration ait une interférence avec d’autres normes nécessitant de concevoir des renvois auxdites normes. Il est encore important de prévenir toute contradiction avec les textes de même rang, sauf s’il est possible d’appliquer l’adage juridique « la règle spéciale déroge à la règle générale ».
- Par ailleurs, il est important d’opérer les diligences suivantes :
- l’identification des dispositions à modifier figurant dans des textes normatifs existants ;
- l’appréciation de la cohérence par rapport aux règles contenues dans des textes normatifs de rang inférieur, ainsi que l’éventualité de leur adaptation.
- Enfin, il faut tenir compte de l’influence éventuelle d’une autre activité normative en cours de réalisation. Par exemple, lors de la confection de la réglementation relative au Partenariat Public-Privé (PPP), le service initiateur de cette réforme normative a été invité à tenir compte de la réglementation relative aux marchés publics.
2) L’évaluation prospective de l’insertion de la norme dans l’ordonnancement juridique des États membres de l’UEMOA
- Le problème à résoudre fait très souvent l’objet d’une réglementation étatique. Aussi, toutes les fois que la Commission de l’UEMOA envisage de réaliser une réforme du cadre normatif, l’ordonnancement juridique des États de l’UEMOA constitue une composante intégrante de la problématique générale.
- Le rapprochement des législations s’opère par l’adoption des bonnes pratiques et non par un recul ou une remise en cause des acquis. L’inventaire minutieux de l’état du droit existant est une exigence. Par conséquent, il est indispensable que l’on procède à une évaluation prospective de l’insertion de la norme en cours d’élaboration dans l’ordonnancement juridique des États membres de l’UEMOA.
- Il est donc impératif de prévenir tout risque de dénaturation de la réglementation interne en vigueur, car la nécessité d’une cohérence, entre le projet de norme communautaire et l’ordonnancement juridique de l’ensemble des États membres, constitue un des principes directeurs de l’harmonisation des législations en vigueur dans les États membres.
- Aussi, il faut systématiquement vérifier ce qui suit :
- si la cause déterminante du problème à résoudre n’est pas liée à l’incomplétude de la législation en vigueur dans les États ;
- si, en raison d’une définition imprécise du problème ou de l’évolution de certaines données, les instruments juridiques choisis par les États de l’UEMOA ne sont pas inappropriés. - Par ailleurs, une évaluation du degré de l’harmonisation des législations des États est toujours nécessaire. Cette évaluation détermine si on peut se contenter d’un simple rapprochement des législations des États en édictant une Directive. Elle permet de savoir si leur uniformisation par voie de Règlement est indispensable. Par exemple, lors de l’élaboration des règles relatives à l’éthique et à la déontologie, à l’issue d’une étude de l’état d’avancement de la réglementation dans les États, il a été retenu d’édicter une Directive en lieu et place d’un Règlement.
- La revue de la réglementation en vigueur dans les différents États de l’UEMOA est donc une étape importante de l’activité normative. Cette revue permet la collecte d’informations pertinentes auprès de l’ensemble des parties prenantes de l’activité normative.
- Il est recommandé de réaliser les diligences suivantes :
- l’inventaire des actes législatifs ou réglementaires nationaux en vigueur dont l’application ne suscite aucune critique majeure ;
- l’identification ddes actes législatifs ou réglementaires nationaux en vigueur partiellement ou intégralement inappliqués ;
- la détermination du besoin de toilettage des actes nationaux en vigueur, notamment en raison des insuffisances, du défaut de clarté ou de précision ;
- la mise en évidence du vide juridique à combler, éventuellement de l’existence de circulaires ayant une valeur réglementaire pour combler le vide juridique ou compléter les actes législatifs ou réglementaires en vigueur, ou encore l’état de la doctrine administrative, l’existence de règles coutumières, d’usage ou même l’état de la jurisprudence.
- L’appréciation du besoin de l’édiction d’un texte normatif est particulièrement délicate du fait de l’asymétrie de l’information juridique. L’information juridique est peu diffusée, les textes anciens ne sont connus que par un nombre limité de fonctionnaires. L’information juridique n’est pas toujours disponible en ligne. Elle est peu publiée. Des textes très anciens, antérieurs à la pratique systématique de la numérisation de l’information, sont encore en vigueur et n’ont pas fait l’objet d’une numérisation.
- Certes, les services de la Commission de l’UEMOA collectent périodiquement le droit applicable. Toutefois, l’incomplétude de cette collecte est avérée, pour les motifs ci-après :
- la collecte est trop sommaire, en raison de la durée trop courte des missions dans les États ;
- l’absence d’un dispositif performant de relation institutionnelle entre la Commission de l’UEMOA et les administrations publiques des États membres.
- Aussi, l’état des lieux de la législation en vigueur dans les États est un point critique du processus normatif. Les rédacteurs d’un projet de texte normatif, afin de remédier à l’asymétrie de l’information juridique, devraient identifier dans chaque État membre les personnes-ressources ayant une solide connaissance de l’environnement juridique. Un soin particulier doit être apporté à leur identification. Un fichier des personnes-ressources identifiées devrait être tenu et régulièrement mis à jour.
3) Le cas spécifique de la transcription des instruments juridiques du droit international dans l’ordonnancement juridique de l’UEMOA
- Il est possible que l’activité normative ait une certaine interférence avec l’ordre international. Dans une telle hypothèse, l’UEMOA peut faire le choix de transcrire tout ou partie d’un instrument juridique de droit international, dans son ordonnancement juridique.
- Cette incorporation s’opère sans remise en cause des fondamentaux de l’intégration économique. En effet, les normes issues du droit international sont transcrites sans violation du Traité ou de toute autre norme en vigueur. Il est donc indispensable d’analyser l’impact probable de leur insertion dans l’ordonnancement juridique de l’UEMOA (et des États). En cas de doute, il est conseillé de solliciter formellement l’avis de la Cour de Justice, après consultation de la DAJ.
16 Les principes et les lignes directrices du choix de l’instrument normatif sont énoncés dans la rubrique 03 du présent guide.
17 Directive n°04/2012/CM/UEMOA du 28 septembre 2012 relative à l’éthique et à la déontologie dans les marchés publics et les délégations de service public au sein de l’UEMOA.