A. L’évaluation prospective de l’avantage comparatif des autorités normatives concurrentes
1) Généralités sur la concurrence normative
- L’appréciation de la pertinence de la compétence de l’UEMOA pour l’édiction d’un texte normatif est une question préjudicielle à toute activité normative. Il faut vérifier systématiquement ce qui suit :
- si les Organes de l’UEMOA sont les mieux indiqués pour légiférer ou s’il n’est pas préférable d’inviter les États à le faire ;
- s’il n’y a pas de chevauchement ou de concurrence entre la compétence des Organes de l’UEMOA et celle des États, ou encore celle d’autres communautés économiques régionales ou organisations supranationales, notamment la CEDEAO ou l’Organisation pour l’Harmonisation en Afrique du Droit des Affaires (OHADA).
- Ces deux questions doivent être examinées par les services compétents de la Commission de l’UEMOA, en particulier la DAJ. La détermination de l’autorité normative possédant un avantage comparatif, outre une appréciation objective de la situation générale, nécessite une analyse minutieuse des données collectées auprès des États.
- Lors de l’évaluation prospective de l’avantage comparatif des autorités normatives concurrentes, on doit particulièrement veiller à ne pas porter atteinte à la raison d’être de l’UEMOA en tant que communauté économique régionale. Mais il faut également veiller à ne guère amoindrir l’efficacité et l’efficience des politiques publiques nationales. Par voie de conséquence, il est souhaitable que le processus normatif soit toujours précédé par une large concertation entre les parties prenantes, notamment entre la Commission de l’UEMOA et les États membres.
- Lorsque la compétence de l’UEMOA est exclusive et énoncée sans équivoque par le Traité, il faut néanmoins s’assurer qu’une intervention est opportune et à même de concourir efficacement à l’atteinte des objectifs assignés par le Traité. En ce qui concerne la question spécifique de la compétence dite partagée entre l’UEMOA et ses États membres, il est utile de ne guère perdre de vue le principe dit de proportionnalité. Toute compétence non exclusive de l’UEMOA est nécessairement partagée donc potentiellement concurrente. Aussi, il convient de veiller à circonscrire l’intervention normative communautaire aux questions non susceptibles d’être réglées efficacement par les États.
2) La concurrence normative entre la CEDEAO et l’UEMOA
- Les Commissions de la CEDEAO et de l’UEMOA peuvent substantiellement réduire leur concurrence normative, à travers l’instauration de relations institutionnelles gouvernées par le concept de l’avantage comparatif.
- À cet égard, elles identifient conjointement les domaines dans lesquels l’une d’entre elles peut légitimement arguer d’un avantage comparatif à légiférer. Cette identification implique une comparaison de leurs performances organisationnelles en matière de gouvernance normative. Mais elle exige également la prise en considération des impacts potentiels de l’activité normative, à travers la réalisation d’évaluations d’ordre prospectif.
- L’activité normative devrait être engagée par l’entité possédant un réel avantage à légiférer. L’autre entité lui prête son concours et veille à la bonne application des textes adoptés.
- Il est également possible de s’orienter dans le sens d’une unité d’action entre la CEDEAO et l’UEMOA, à travers l’instauration entre elles d’une logique de réseau, et ce dans la double perspective suivante :
- d’une part, éviter les initiatives parallèles et non coordonnées, ou éventuellement contradictoires ;
- d’autre part, organiser une étroite coopération en vue d’atteindre efficacement des objectifs dans les domaines d’intérêt commun.
- À cette fin, il faut mettre à contribution le Secrétariat Technique Conjoint (STC) CEDEAO-UEMOA. Le STC CEDEAO-UEMOA, en relation avec les directions juridiques, doit rechercher systématiquement une convergence des activités normatives des deux Institutions dans les domaines d’intérêt commun.
- Il faut veiller à la conduite conjointe de l’activité normative engagée par une des deux entités, notamment à travers une approche programmatique. Les Commissions de la CEDEAO et de l’UEMOA s’accordent sur un programme commun d’activité normative.
- À partir de là, il sera possible, avant l’entame d’une activité normative quelconque, de déterminer la voie idoine pour sa réalisation. Ainsi, à un stade précoce, il sera possible de s’accorder sur la logique de coordination appropriée, au regard du cadre de coopération existant.
3) La prévention des conflits de normes avec l’OHADA
- L’OHADA légifère au profit de ses États parties pour une unification des règles de droit applicables aux activités et opérations économiques. Ainsi, l’objectif général de l’OHADA comme de l’UEMOA est de promouvoir le développement économique de leurs États membres.
- Cette situation n’est pas sans conséquences, car il peut arriver que ces organisations élaborent des normes et actes réglementaires dans les mêmes domaines. Auquel cas, la voie la plus appropriée de prévention de toute concurrence préjudiciable est la concertation.
- À cet effet, sur instructions des Hautes Autorités de l’OHADA14, le Cadre Permanent de Concertation (CPC) a été créé le 25 décembre 2015 pour prévenir et régler les conflits de normes juridiques et de compétences entre l’OHADA et les Organes et Institutions communautaires dotés de pouvoirs normatifs dans les États parties à l’OHADA15.
- Le CPC a notamment pour objet de favoriser la concertation, les échanges et la coopération entre les différents membres, en vue de prévenir, au sein des États parties à l’OHADA, tout conflit de normes et d’avoir une démarche concertée dans l’élaboration de celles-ci, en tenant compte de la compétence dévolue à chacun des membres.
14 Le Conseil des Ministres de l’OHADA a recommandé lors de sa session tenue à Lomé le 15 décembre 2010 et la Conférence des Chefs d’État et de Gouvernement de l’OHADA à Ouagadougou, le 17 octobre 2013.
15 Le CPC est composé du Secrétariat Permanent de l’OHADA, de la BCEAO, de la Banque Centrale des États d’Afrique Centrale (BEAC), de la Banque Centrale de la République de Guinée, de la Banque Centrale du Congo, de la Commission de l’UEMOA, de la Commission de la Communauté Économique et Monétaire de l’Afrique Centrale (CEMAC), de la Commission bancaire de l’UMOA, de la Commission Bancaire de l’Afrique Centrale (COBAC), de la Conférence Interafricaine des Marchés d’Assurance (CIMA), de la Conférence Interafricaine de Prévoyance Sociale (CIPRES), le Conseil Régional d’Épargne Publique et des Marchés Financiers de l’UMOA (CREPMF-UMOA), de la Commission de Surveillance du Marché Financier de l’Afrique Centrale (COSUMAF), les Autorités chargées de la supervision et du contrôle des secteurs de l’assurance, des marchés financiers et de la prévoyance sociale des autres États parties à l’OHADA.