Soumis par reza le May 10

1.3.2. La situation du Genre au plan de la reconnaissance et de l’exercice des droits

Au cours de la dernière décennie, les avancées en matière de promotion et de protection des droits des femmes dans l’espace UEMOA se sont traduites par le renforcement des cadres juridiques au niveau des engagements internationaux et africains et des lois nationales.

Au niveau international, 187 pays ont adhéré à la Convention sur l’Élimination de toutes les Discriminations à l’Égard des Femmes (CEDEF) qui est l’instrument de référence en matière de droit des femmes adopté le 18 décembre 1979 par l’ONU et entré en vigueur depuis le 3 septembre 1981. Le Protocole facultatif qui y est rattaché vise à favoriser un plus grand respect des dispositions de la Convention.

À ce jour, les États membres de l’UEMOA, à l’exception du Niger, ont ratifié la CEDEF et son Protocole facultatif sans réserve7. Ce pays a émis des réserves sur les droits des femmes en matière de succession, du choix de la résidence de la femme mariée, du choix du nom de famille, de l’espacement des naissances et de la dissolution du mariage. 

Au niveau continental, l’Union Africaine a adopté en 2003 le Protocole à la Charte Africaine des Droits de l’Homme et des Peuples (CADHP) relatif aux droits des femmes en Afrique, lequel fut ratifié par six États membres de l’UEMOA, à l’exception de la Guinée-Bissau et du Niger qui l’ont signé respectivement en 2004 et en 2008, sans l’avoir encore ratifié.

Le Protocole à la CADHP est un instrument novateur dont l’objectif est de garantir l’indivisibilité des droits des femmes. Tout en s’appuyant sur les fondements de la CEDEF, il vient combler ses lacunes en rendant les droits de la personne plus applicables aux femmes en Afrique. Le Protocole offre un cadre juridique de référence pour assurer le respect des droits humains des femmes, l’élimination des discriminations et des pratiques néfastes, le droit à la vie et à l’intégrité physique, l’égalité des droits en matière civile et familiale, l’accès à la justice, le droit de participation au processus politique, la protection dans les conflits armés, et le droit à la santé, à la protection sociale et à la sécurité alimentaire. La force de ce Protocole est de permettre aux femmes le recours juridique auprès de la Commission Africaine des Droits Humains et des Peuples en cas de non-respect par les États signataires.

Au niveau national, tous les États membres consacrent l’égalité de tous leurs citoyens (hommes et femmes) sans discrimination fondée sur le sexe. De plus, certains États ont adopté ou modifié la législation touchant les droits des femmes et de la famille. 

La révision des Codes de la famille a connu des avancées dans certains pays. En Côte d’Ivoire, la loi sur le mariage révisée de 2013 institue le principe de l’égalité des époux, la cogestion de la famille et la responsabilisation des époux dans l’intérêt supérieur de la famille et des enfants. Au Togo, un nouveau Code des personnes et de la famille a été promulgué en 2012 afin de l’harmoniser avec les engagements internationaux. 

En revanche, au Mali, le nouveau Code de la famille adopté le 2 décembre 2011 n’a pas conduit à une réforme majeure en raison des résistances exprimées par le Haut Conseil Islamique. Ce Code contient des dispositions qui vont à l’encontre des conventions internationales signées par ce pays. L’âge au mariage est de 16 ans pour les filles et 18 ans pour les garçons, le mariage de la fille peut être autorisé à partir de l’âge de 15 ans, la femme doit obéissance à son mari qui est reconnu comme le chef de famille, le mariage religieux est juridiquement reconnu. Le Niger ne dispose pas encore de Code de la famille.

En outre, même dans les pays de la région où les réformes sont les plus novatrices (ex. : Côte d’Ivoire, Sénégal, Burkina Faso et Bénin), plusieurs sources de lois (moderne, religieuse et traditionnelle) continuent à régir la vie des femmes et à entraver la jouissance de leurs droits. Les Codes de la famille confèrent, dans presque tous les pays de la région, le monopole du pouvoir de décision au mari considéré comme le chef de la famille sauf en Côte d’Ivoire. De plus, dans certains pays comme le Mali, les mariages précoces sont légitimés par les lois en vigueur, fixant l’âge légal au mariage pour les filles à moins de 18 ans. 

Le droit égal des femmes à la succession et à l’héritage a connu également des avancées dans certains pays. En Côte d’Ivoire, la loi sur le foncier rural a été revue pour accorder des droits égaux entre les femmes et les hommes. Au Bénin, la Loi sur le régime foncier rural garantit aux femmes de façon explicite le droit à la succession de leurs ascendants ou conjoints sur les terres rurales. En dehors de ces percées juridiques importantes, le droit à la succession du patrimoine familial et l’accès des femmes à la terre et à la propriété demeurent limités dans les faits, en raison de la persistance des discriminations légales, et des règles du droit musulman et du droit coutumier qui priment sur le droit moderne.

Les femmes et les filles de l’Union continuent de subir de nombreuses violations de leurs droits humains fondamentaux dans les relations conjugales, familiales, dans le cadre du travail et dans la société en général, telles que les mutilations génitales féminines, les violences physiques et psychologiques, le viol conjugal, le harcèlement sexuel, le mariage forcé, le lévirat. Enfin, la traite des personnes, l’exploitation et le travail forcé des filles et des garçons de même que les violences envers les femmes ont pris de l’ampleur dans la région en raison de la pauvreté et des situations de crise politique, de conflit ou post-conflit qu’ont connues certains pays (Burkina Faso, Mali, Sénégal, Guinée-Bissau et Côte d’Ivoire).

Dans le but de contrer le phénomène et l’ampleur des violences, de plus en plus de pays se dotent de lois incriminant les violences basées sur le Genre. Le Bénin a adopté, en 2012, une loi portant prévention et répression des violences faites aux femmes. Le Togo a emboîté le pas en 2013 en adoptant une loi sur les Violences Basées sur le Genre de même que la Guinée-Bissau en 2014. Le Burkina Faso a déposé un projet de loi dans ce sens en octobre 2014. Les autres pays ne disposent pas de lois spécifiques incriminant les Violences Basées sur le Genre (Côte d’Ivoire, Mali, Niger, Sénégal).

Par ailleurs, à l’exception du Mali, les sept autres États membres ont adopté des mesures législatives interdisant les Mutilations Génitales Féminines (Bénin, Burkina Faso, Côte d’Ivoire, Guinée-Bissau, Niger, Sénégal et Togo). Pour la CEDEAO, on compte neuf pays ayant fait de même, soit les sept de l’UEMOA sus mentionnés en plus de la Guinée et du Ghana.

Le signe encourageant vient des pays qui ont pris des mesures dans les années 1980 ou ont adopté une législation. Ces États enregistrent une diminution de la prévalence des MGF (Burkina Faso et Sénégal). En outre, les données récentes font état d’un niveau plus faible de cette pratique chez la tranche d’âge des 15-19 ans en comparaison aux 35-39 ans, et ce pour tous les pays concernés dans la région, à l’exception du Mali. Selon la dernière Enquête Démographique et de Santé (l’EDS du Mali 2012-2013), la pratique des MGF est presque universelle avec 91% de femmes de 15 à 49 ans ayant subi la pratique. Sept sur dix filles âgées de 0 à 14 ans ont déjà été soumises à la pratique (69%), et la proportion s’élève à 83%, entre 10 et 14 ans.

Le Burkina Faso enregistre un taux de 76% pour les 15 à 49 ans et de 13% pour la tranche d’âge de 0 à 14 ans. Pour le Togo, le taux de prévalence des MGF est de 28% pour les 45 à 49 ans et de 3% pour les filles de 15 à 19 ans8. La Guinée-Bissau enregistre un taux de 50%. C’est au Niger que la pratique des MGF est la moins répandue avec un taux de 2%. Ces évolutions révèlent une tendance à la renonciation graduelle de cette pratique néfaste.

Le Rapport de Beijing + 20 du Togo relate que l’excision est devenue un phénomène transfrontalier. Pour éviter d’être frappées par la loi portant interdiction des MGF, des familles quittent le Togo pour aller faire exciser leurs filles dans les pays frontaliers et parfois cette pratique se fait également sur les bébés. Ainsi, entre le signalement et la poursuite, ces familles disparaissent sans adresse et les dossiers restent sans suite. 

Les pas accomplis 20 ans après la Conférence de Beijing par les États membres de l’UEMOA ont permis de créer un environnement juridique plus favorable à la reconnaissance des droits humains des femmes, mais qui demeure variable selon les pays. De nombreux défis restent à relever pour harmoniser les lois nationales avec les engagements internationaux et africains, pour combler les vides juridiques et réformer les systèmes judiciaires pour les rendre accessibles aux femmes et aux pauvres. L’harmonisation des lois au niveau de l’espace UEMOA pourrait constituer un levier régional pour soutenir notamment la lutte contre les Violences Basées sur le Genre, les Mutilations Génitales Féminines, ainsi que pour améliorer les Codes de la personne et des familles et les lois foncières et successorales.

7 Les 12 pays ayant émis des réserves sont les suivants : Égypte, France, Liban, Maurice, Mauritanie, Monaco, Niger, République arabe syrienne, Royaume Uni, Suisse, Tunisie et Vietnam. Le Maroc a retiré ses réserves par une notification du 8 avril 2011.

8 Dernier rapport de l’UNICEF sur les Mutilations Génitales Féminines : UNICEF : Mutilations génitales féminines/excision : aspects statistiques et étude de la dynamique des changements, New York, 2013.

9 Rapport de Beijing + 20 du Togo, page 30.