A. La conception de l’acte communautaire et l‘esquisse de la note de présentation
1) La conception de l’acte communautaire
250. La confection d’un texte normatif réclame une stricte discipline et l’observation d’une grande rigueur. Aussi, il faut savoir faire preuve de patience. En effet, la rédaction proprement dite d’un acte communautaire est précédée par sa conception préalable.
251. Par conséquent, il faut s’affranchir d’une propension bien naturelle aussi courante que pénalisante, qui consiste à entreprendre l’écriture du projet d’acte, en débutant par son titre et en poursuivant par la rédaction des articles.
252. La rédaction du projet d’acte n’est engagée que postérieurement à la conception intégrale de ses différentes composantes.
253. Le rédacteur d’un projet d’acte procède d’abord à la conversion des idées-forces, celles issues de la phase substantielle de l’activité normative. Il élabore une esquisse, autrement dit l’ébauche globale qui permet de se faire une idée générale sur la cohérence du projet d’acte communautaire.
254. Enfin, l’on gagnerait toujours à concevoir, dans le même temps, l’Acte additionnel (ou le Protocole additionnel) et leurs textes d’application. Tout comme les projets d’actes du Conseil des Ministres doivent être conçus concomitamment avec leurs actes d’application.
a) La détermination de la matière et de la densité normative
La détermination de la matière normative
255. La détermination de la matière normative d’un acte consiste en la réduction des idées-forces à leur stricte dimension normative. Ce faisant, l’on doit faire fi à ce stade de toutes les notions descriptives, explicatives et analytiques.
256. On procède à une sélection par répartition ou par élimination. À cet égard, on peut établir un tableau afin d’isoler les éléments juridiques et factuels qui ne sauraient figurer dans le texte normatif. On ne conserve, en définitive, que les seuls éléments ayant une dimension normative.
257. Les aspects non susceptibles de figurer dans un texte communautaire peuvent être consignés dans une annexe du texte normatif. Ces éléments doivent revêtir un réel intérêt pour la mise en œuvre de la réforme normative.
258. La détermination de la matière normative implique une étroite collaboration entre les spécialistes non juristes et les juristes. La finalité de cette collaboration est la facilitation de la traduction normative de l’information technique. Cette étape est critique, car par essence un texte normatif se distingue de toute autre forme d’expression écrite par son style abstrait et souvent impératif ou impersonnel.
259. Par ailleurs, un texte communautaire n’est pas le support écrit d’une communication entre spécialistes. Il faut donc rendre compréhensible le langage ésotérique ou technique en usant de termes accessibles au grand public. Aussi, il faut prêter un soin particulier au choix du contenu de l’instrument normatif.
260. La détermination de la matière normative est aussi l’occasion de procéder à une vérification de son applicabilité, en recherchant éventuellement les moyens pratiques ayant une résonnance normative de nature à faciliter sa mise en œuvre.
261. La conception du contenu normatif d’un texte ayant pour source formelle le droit international s’opère dans le strict respect de la matière normative initiale. On doit transcrire leurs prescriptions juridiques fidèlement afin d’éviter une éventuelle dénaturation.
Le choix de la densité normative
262. Le choix de la densité consiste à délimiter sa longueur et son degré de précision. Un instrument normatif peut se limiter à fixer exclusivement des principes généraux. Un texte peut, outre les principes généraux, contenir des règles particulières. Il peut parfois préciser des détails du régime juridique.
263. Le choix de la densité normative est fonction de plusieurs facteurs. En premier lieu, il est possible qu’un degré de précision soit une des conditions de l’atteinte des résultats. La densité normative est fonction de la substance devant faire l’objet d’une traduction normative. C’est une question purement factuelle.
264. Le choix de la densité est régulé par le principe dit de la proportionnalité. Les Organes de l’UEMOA sont tenus de choisir les moyens proportionnés aux objectifs poursuivis, et de circonscrire leur action à ce qui est strictement nécessaire pour atteindre les objectifs du Traité de l’UEMOA. Par conséquent, la densité normative des textes normatifs ne doit jamais excéder ce qui est nécessaire et suffisant pour la satisfaction du besoin de réglementation communautaire.
b) La structuration de la matière normative
265. La structuration de la matière normative doit être claire, logique et cohérente. Cela facilitera la compréhension et la mise en œuvre du texte normatif.
266. Dans un premier temps, les grandes lignes du projet d’acte sont dégagées. Ensuite, on doit se concentrer sur les différentes composantes, à savoir le titre, le préambule et le dispositif.
267. L’agencement des dispositions de la partie normative, la subdivision du dispositif en articles, repose sur le principe de l’unité conceptuelle, autrement dit, un article est consacré à un sujet unique, à la fixation d’une seule règle ou à la formulation d’un seul principe (ou la précision d’un aspect unique d’un régime juridique). L’article est l’unité de base de l’acte communautaire.
268. Lorsque le sujet unique fait l’objet de plusieurs articles, on peut ranger chaque unité conceptuelle dans une subdivision. L’orthodoxie légistique recommande de ne pas hésiter à prévoir autant de subdivisions qu’il y a d’unités conceptuelles. Si le texte est court, et comporte peu d’unités conceptuelles, on doit faire l’économie des subdivisions. Par contre, si les développements sont assez détaillés, il faut des chapitres, éventuellement des sections. Dans le cas où le texte s’avère très long, il y a lieu de prévoir des titres, des chapitres et éventuellement des sections.
269. Il est de coutume de ranger les articles relatifs aux définitions, à l’objet et au champ d’application dans une subdivision liminaire (un titre ou un chapitre, voire une section). La toute dernière subdivision (un titre ou un chapitre, voire une section) est consacrée aux dispositions diverses et finales (le régime transitoire, la transposition, le suivi-évaluation, l’application, l’entrée en vigueur et la publication).
270. La conception de la structure interne des différentes dispositions de l’acte constitue la dernière diligence de la phase de conception de l’acte communautaire. Elle précède et peut être confondue avec la rédaction de l’avant-projet de texte normatif. Elle consiste en l’ébauche des intitulés des subdivisions et en la structuration des articles et éventuellement de leurs différents alinéas.
2) L’esquisse de la note de présentation
271. Les actes communautaires sont accompagnés lors de leur adoption d’une note de présentation. Les Notes de présentation éclairent les signataires sur les raisons pour lesquelles le texte est proposé et sur son contenu et expliquent, le cas échéant, les raisons qui ont conduit à modifier la réglementation en vigueur. Ces notes n’ont pas de portée juridique. Contrairement aux documents de présentation confectionnés par les autorités compétentes des États membres, elles ne contiennent pas d’exposé des motifs.
272. Il faut procéder à une esquisse de la Note de présentation durant la phase de conception. Cet exercice est un habile moyen de vérification du bon déroulement du processus normatif.
273. Cette ébauche permet de vérifier l’exhaustivité et la pertinence de l’information collectée. Cette ébauche permet également de s’assurer que la problématique a été analysée en profondeur, et surtout si l’acte en cours d’élaboration a été convenablement conçu. La Note de présentation sera finalisée après la rédaction du projet d’acte communautaire. Elle doit être soigneusement rédigée.
274. Le plan-type de la Note de présentation est le suivant31 :
- Contexte et justification ;
- Objectifs (général et spécifiques) ;
- Résultats attendus ;
- Résumé de l’acte communautaire ;
- Incidence financière ;
- Conclusion.
31 La note de présentation des décisions rendues en matière d’application des règles de la concurrence, en raison de leur spécificité, déroge logiquement à ce plan type.